
Le constructeur aéronautique Boeing Co. a annoncé son intention de lever jusqu’à 25 milliards de dollars afin de renforcer sa trésorerie et de traverser une période marquée par une grève paralysante et plusieurs contretemps opérationnels.
Une stratégie financière pour renforcer la flexibilité
Boeing a déposé mardi un enregistrement d’étagère auprès des régulateurs, une procédure qui lui permet de vendre une combinaison d’actions et d’obligations selon les besoins. Cette levée de fonds vise à assainir le bilan de l’entreprise et à éviter une dégradation de sa notation en catégorie spéculative, ce qui aurait entraîné une augmentation significative de ses coûts d’emprunt.
“Cette procédure d’enregistrement universel offre à Boeing une flexibilité pour accéder à divers instruments financiers sur une période de trois ans,” a indiqué la société dans un communiqué à Bloomberg.
En plus de cette levée de fonds, Boeing a conclu un nouvel accord de crédit de 10 milliards de dollars afin d’assurer un accès à des liquidités à court terme pour faire face aux défis actuels.
La grève des travailleurs pèse sur la production
Ces fonds permettront à Boeing de renforcer sa position dans les négociations avec les syndicats. Les travailleurs en grève, qui réclament des hausses de salaires et la réintégration des pensions, ont stoppé la production dans plusieurs sites stratégiques de la région de Seattle. Selon une estimation de S&P, cette grève coûte à Boeing plus d’un milliard de dollars par mois, même après les réductions de coûts déjà mises en place.
Problèmes de production et défis réglementaires
Boeing fait également face à des problèmes de qualité sur son modèle phare, le 737 Max, dont la production est actuellement limitée par les régulateurs. De plus, le programme du 777X, déjà fortement retardé, a été reporté à 2026.
Selon Bloomberg, Boeing envisageait initialement une augmentation de capital d’au moins 10 milliards de dollars. Si cette levée de fonds se concrétise, elle sera l’une des plus importantes depuis la vente de 12,3 milliards de dollars d’actions par Saudi Aramco en juin.
Accords de crédit et obligations de remboursement
Boeing dispose de 120 jours pour puiser dans la nouvelle ligne de crédit. Toute somme empruntée devra être remboursée dans un délai de 364 jours. Si la société accède à ces fonds, elle devra rembourser l’intégralité du crédit dès qu’elle procédera à une vente d’actifs ou une levée de capitaux supplémentaire.
L’enregistrement d’étagère offre à Boeing la possibilité de combiner plusieurs instruments financiers tels que des actions ordinaires, des actions préférentielles ou des obligations, selon ses besoins.
Risque de dégradation de la notation en catégorie spéculative
Boeing tente d’éviter une dégradation de sa notation par Moody’s et S&P Global Ratings, deux agences qui ont averti ces dernières semaines qu’elles pourraient abaisser la note de l’entreprise au niveau junk. Cela aurait pour conséquence d’augmenter les coûts d’emprunt de l’entreprise et de rendre certaines dettes inéligibles aux indices de qualité investissement.
Le mois dernier, Boeing a révélé qu’il disposait d’une faible marge de sécurité sur les 10 milliards de dollars de liquidités nécessaires pour éviter une dégradation de sa note. En cas de dégradation, Boeing deviendrait l’un des plus importants emprunteurs américains à rejoindre le marché des obligations à haut rendement, créant un afflux massif de dette à absorber pour le marché.
Une série de revers pour Boeing
Outre la grève et les retards de production, Boeing a subi plusieurs incidents cette année, notamment un accident impliquant un 737 Max en janvier, qui a endommagé le fuselage de l’avion et forcé l’entreprise à ralentir la production.
L’entreprise connaît également sa pire performance boursière annuelle depuis la crise financière de 2008 et prévoit de réduire 10 % de sa main-d’œuvre, soit environ 17 000 emplois.
Des perspectives à long terme prometteuses
Malgré ces difficultés, Boeing conserve un carnet de commandes important avec 5 490 avions à livrer, représentant environ 500 milliards de dollars de revenus potentiels. Cette situation offre un certain optimisme aux investisseurs, convaincus que le flux de trésorerie sera rétabli une fois la production normalisée.
De plus, Boeing et Airbus SE dominent ensemble le marché des avions commerciaux, laissant peu d’alternatives aux compagnies aériennes et aux sociétés de leasing qui cherchent à acheter de grands appareils.
Soutien bancaire et précédents en matière de crédit
Boeing a réussi à obtenir un soutien bancaire, comme en 2020, lorsqu’elle avait contracté un prêt de 13 milliards de dollars au début de la pandémie. En mars 2020, la société avait rapidement tiré sur la totalité de cette ligne de crédit, déclenchant une ruée mondiale vers les liquidités. En 2021, elle avait également émis 10 milliards de dollars d’obligations pour refinancer ce prêt.
Les efforts de Boeing pour éviter la catégorie junk sont essentiels à ses ambitions. Une dégradation de la note de deux agences sur trois rendrait l’ensemble de ses 52 milliards de dollars de dette à long terme inéligible aux indices de qualité investissement, ce qui affaiblirait considérablement sa position financière.
Prochaine publication des résultats
Boeing publiera ses résultats financiers le 23 octobre, sous la direction de son nouveau PDG, Kelly Ortberg, pour la première fois. L’entreprise prévoit d’enregistrer 5 milliards de dollars de charges sur ses activités de défense et d’espace, en plus des coûts liés au report du 777X.
Les principales banques, telles que BofA Securities, Citibank, Goldman Sachs et JPMorgan Chase, ont agi en tant qu’organisateurs du nouvel accord de crédit. Ces établissements continueront de jouer un rôle clé dans la gestion des finances à court terme de Boeing.
Boeing se trouve dans une situation délicate où la gestion de la trésorerie, la négociation avec les syndicats et la restauration de la production seront déterminants pour sa survie. Avec une forte pression sur les coûts et une concurrence limitée, l’entreprise doit équilibrer endettement et investissement pour préserver son statut dans l’industrie aéronautique mondiale.