Les élections présidentielles américaines de 2024 marquent une rupture avec les campagnes passées, où les candidats proposaient des réformes ambitieuses. En comparaison, ni Donald Trump ni Kamala Harris n’ont présenté de plans détaillés pour répondre aux défis majeurs de l’Amérique, tels que le changement climatique, la réforme de la sécurité sociale ou l’équilibre budgétaire. Cette élection semble marquée par un certain désintérêt pour les idées audacieuses, donnant lieu à ce que certains qualifient d’« élection Ozempic », en référence à une perte d’appétit pour les propositions ambitieuses.
Des campagnes aux ambitions restreintes
Les campagnes précédentes offraient des visions transformatrices. En 2008, Barack Obama défendait une réforme majeure du système de santé pour élargir la couverture à tous. En 2012, Mitt Romney proposait de simplifier le code fiscal et de réduire les impôts. En 2016, Hillary Clinton avait saturé le débat public avec des propositions détaillées sur des sujets variés, de l’augmentation du salaire minimum à la création d’un congé familial payé.
En revanche, l’élection actuelle contraste avec ce passé. Donald Trump se concentre sur une image sombre du pays, insistant sur l’immigration et le retour à des politiques protectionnistes du XIXe siècle. Kamala Harris, qui a débuté tardivement sa campagne, met l’accent sur le soutien aux parents, locataires et primo-accédants, ainsi que sur la restauration des droits à l’avortement et la lutte contre les abus d’entreprises.
Pourquoi les grandes idées sont-elles absentes ?
Ce manque d’idées ambitieuses est en partie tactique. Les deux candidats cherchent à mobiliser leurs électeurs sans aliéner les indécis des États-clés, dont les votes détermineront probablement l’issue de l’élection. Harris mise sur l’inaptitude de Trump, marquée par l’attaque du Capitole le 6 janvier, tandis que Trump attire l’attention sur l’immigration, qu’il présente comme une menace culturelle et sécuritaire.
Cependant, il existe une autre explication plus décourageante : la polarisation partisane. La paralysie du Congrès rend difficile la mise en œuvre d’un programme ambitieux, même au début d’un mandat présidentiel. Comme l’explique Eric Schickler, co-auteur de Partisan Nation : The Dangerous New Logic of American Politics in a Nationalized Era, la loyauté aux partis est devenue si forte que les présidents ne peuvent plus compter sur des alliances modérées du camp adverse.
L’impasse législative et la politique de l’opposition
Avec un Congrès divisé, il devient presque impossible de faire passer des réformes majeures. Les présidents récents, comme Joe Biden et Donald Trump, ont dû se tourner vers les ordonnances exécutives ou le processus de réconciliation budgétaire, qui ne nécessite qu’une majorité simple. C’est ainsi que Biden a pu faire adopter l’Inflation Reduction Act, avec l’aide du vote décisif de Kamala Harris au Sénat.
Cette impasse législative crée un paradoxe : même les activistes sont parfois réticents à voir leurs causes défendues par un candidat de premier plan. Par exemple, bien que Harris soutienne la construction de logements et l’octroi de crédits d’impôt pour les primo-accédants, certains militants s’inquiètent que cette prise de position puisse attirer l’opposition systématique des Républicains.
Réformer le système ou perpétuer le statu quo ?
L’échec des grandes réformes est devenu un cercle vicieux. Plus un candidat propose une mesure ambitieuse, plus l’opposition se mobilise pour la bloquer. Sans réformes démocratiques significatives, comme l’abolition du filibuster ou une refonte du Collège électoral, l’impasse législative risque de persister.
“La capacité du Congrès à résoudre les problèmes nationaux urgents est en déclin”, écrivent Schickler et Paul Pierson, co-auteur de l’ouvrage.
Malgré cela, certains espèrent encore un changement d’attitude parmi les Républicains et leurs alliés médiatiques. Une approche moins obstructionniste pourrait émerger, bien que cela paraisse improbable.
Vers un avenir politique incertain
L’élection du 5 novembre pourrait amener un nouveau président, mais le système politique restera probablement aussi paralysé qu’auparavant. Sans compromis ou réforme structurelle, les grands problèmes nationaux risquent de rester non résolus, renforçant le sentiment de stagnation.
L’élection Ozempic, marquée par l’absence d’idées ambitieuses, pourrait bien illustrer le vieillissement du système politique américain, incapable d’évoluer face aux défis contemporains.